Les censeurs qui pullulent sur internet et ailleurs défendent encore qu’un texte doit impérativement être constitué de phrases correctes grammaticalement pour être acceptable. C’est affaiblir la langue quand on la pratique comme un art. C’est limiter son expressivité. C’est poser un jugement de valeur sur le scripteur. Tout cela mérite d’être nuancé. Aujourd’hui, prenons le cas de la majuscule.
Cet article n’a pas pour objectif d’être exhaustif sur les emplois multiples que la langue offre déjà à cet outil précieux. On y reviendra. Rappelons avant tout un fait : la majuscule, comme tout signe de ponctuation, a une valeur sémantique et syntaxique. C’est-à-dire qu’il permet à la fois de donner une information supplémentaire et de structurer la construction des phrases et donc le texte.
De fait on apprend dès le Cours Préparatoire qu’une phrase, pour être correcte, doit débuter par une majuscule et se terminer par un point. Il est tout à fait évident que c’est un critère qui permet, en découpant le texte, de le rendre plus facilement intelligible. Cependant, dans les poèmes dits classiques, la règle veut que chaque vers débute par une majuscule, chaque vers n’étant bien évidemment pas forcément une phrase. Cela crée une seconde unité de sens close par le retour à la ligne qui construit autant, sinon plus, le texte-poème, que la phrase. C’est la raison pour laquelle, dans la poésie contemporaine, le point est parfois abandonné. Le vers comme unité structurante crée une autre mélodie. Et le poème est tout à fait intelligible. Agrammatical et tout à fait légitime. Il « parle » un français différent.
J’ai vu ce matin une jolie rue dont j’ai oublié le nom
Neuve et propre du soleil elle était le clairon
Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylographes
Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent
Le matin par trois fois la sirène y gémit
Une cloche rageuse y aboie vers midi
Les inscriptions des enseignes et des murailles
Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent
J’aime la grâce de cette rue industrielle
Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l’avenue des TernesApollinaire, Alcools.
Il faut connaître les règles, et savoir s’en affranchir. Plutôt que de s’y accrocher, observer ce que ces transgressions racontent. Ce sont les leçons d’aujourd’hui.
Pour jouer avec la structuration d’un texte, et les emplois de la majuscule, vous pouvez vous inscrire aux ateliers, c’est par ici.